« Les garçons qui ont été victimes d’agression sexuelle dans l’enfance commettront des agressions sexuelles à l’âge adulte. »
« La plupart des agresseurs sexuels sont des prédateurs, mentalement perturbés ou souffrant d’un trouble de santé mentale et sont peu réhabilitables. »
« Les individus qui commettent des agressions sexuelles envers des enfants sont des pédophiles. »
6 mythes populaires à l'égard
de la libération conditionnelle au Canada
Déconstruction d’un mythe répandu au sein des croyances populaires, soit celui du plaidoyer de culpabilité chez les individus factuellement innocents
« Le durcissement des peines entraine une diminution de la criminalité » : est-ce un mythe ou une réalité ?
Le Registre national des délinquants sexuels (RNDS) - pourquoi ne pas le rendre public?
« Les garçons qui ont été victimes d’agression sexuelle dans l’enfance commettront des agressions sexuelles à l’âge adulte. »
Ceci est un propos qui est fortement présent dans la société et dans les croyances et discours populaires lorsque la question d’agression sexuelle est soulevée. De ce fait, on associe souvent une victimisation sexuelle durant l’enfance à un acte d’agression sexuelle dans le futur, à l’âge adulte. De plus, ces croyances sont souvent entretenues et alimentées par l’omniprésence des médias qui font ressortir des cas dits sensationnels et très rares en ce qui concerne les agressions sexuelles ou les crimes de grande envergure. Donc, il est primordial de comprendre que ce phénomène est un M Y T H E et ne décrit pas la tendance en ce qui concerne les acteurs d’agressions sexuelles.
En effet, à travers les années et les recherches, on a tenté de comprendre s’il y avait la présence d’un certain cycle victime-agresseur dans les cas d’agression sexuelle, ce qui signifie qu’une personne qui a subi une victimisation sexuelle dans l’enfance devient à son tour agresseur à l’âge adulte. De ce fait, plusieurs auteurs soutiennent l’idée selon laquelle ils n’observent pas de prévalence significative de victimisation chez les adolescents ou les jeunes agresseurs. Selon quelques recherches sur le sujet, la fréquence en ce qui concerne la victimisation sexuelle chez les adultes se situe entre 20% et 30%. Cela signifie que la majorité des agresseurs adultes n’ont pas été victimes d’une agression sexuelle durant l’enfance.
Sur une autre note, plus récemment, des études ont mis de l’avant le fait que les agresseurs sexuels d’enfants seraient significativement plus susceptibles d’avoir été victimes d’agression sexuelle durant l’enfance comparativement aux agresseurs sexuels d’adultes et aussi comparativement à des criminels non sexuels. Par contre, les experts en la matière arrivent au consensus que le lien entre l’agression sexuelle dans l’enfance et la perpétration d’agression sexuelle à l’âge adulte n’est pas clair, et cela, en raison des énormes variations dans les méthodologies des différentes études. De plus, si nous allons plus loin, il est important de comprendre que toutes les données sont obtenues auprès d’agresseurs sexuels connus des autorités. Ainsi, ces résultats doivent être interprétés avec une grande prudence et finesse. En effet, ces derniers seraient plus motivés à rapporter une histoire d’agression sexuelle durant l’enfance dans le but de minimiser leurs gestes ou tenter de l’expliquer ou même de l’excuser en quelques sortes, et ainsi, tenter d’obtenir des sentences plus favorables.
Il est important de comprendre qu’il existe plusieurs facteurs qui poussent une personne à commettre des agressions sexuelles ou tout type de crime sexuel. Dans une analyse criminologique par exemple, en ce qui concerne les facteurs prédisposant ou précipitants présents dans la vie des agresseurs, plusieurs éléments seront analysés. En langage criminologique, ces facteurs sont définis comme des paramètres de développement de la délinquance sexuelle et donnent énormément d’information sur la propension vers une carrière sexuelle ou un délit à caractère sexuel. En effet, il faut regarder beaucoup plus loin que la victimisation durant l’enfance afin de comprendre les prédispositions d’une personne qui se lance dans une carrière criminelle sexuelle ou qui commet un crime sexuel. Dans ces analyses, on peut parler de l’âge au premier délit, de la fréquence ou la répétition des actes, de la diversité des actes, de la persistance des actes, etc.
D’un autre côté, lorsqu’on évalue les acteurs d’agressions sexuelles, mineurs ou adultes, des facteurs environnementaux, familiaux, sociaux, économiques, ainsi que la santé mentale peuvent peser dans la balance et pousser un individu à commettre un geste sexuel, soit à l’âge adulte ou en tant que mineur.
Ainsi, ce qui est important et primordial de comprendre, c’est l’idée selon laquelle un passé de victimisation sexuelle durant l’enfance semble représenter un facteur de risque parmi d’autres facteurs pour poser un geste à caractère sexuel à l’âge adulte. Par contre, ce facteur apparaît insuffisant afin d’expliquer la majorité des cas en ce qui concerne les agressions sexuelles ou les crimes à caractère sexuel.
Il est important de comprendre, à la suite de cette démystification, qu’il faut regarder à l’extérieur de la boîte, mais surtout s’informer plus loin que les médias ou les dires de nos voisins ou de nos amis. Il devient facile de juger une situation en se basant seulement sur peu d’information qui circule dans le discours populaire et dans la société d’aujourd’hui. Par contre, en tant que société, il est de notre devoir de s’informer, mais surtout de briser ces mythes auprès de notre entourage afin de bien comprendre les problématiques et les phénomènes actuels.
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Vérifications et corrections réalisées par Molly
« La plupart des agresseurs sexuels sont des prédateurs, mentalement perturbés ou souffrant d’un trouble de santé mentale et sont peu réhabilitables. »
Dans le discours populaire, lors d’un souper de famille et même lors de discussions entre amis, on entend souvent le terme « Prédateur sexuel ». Or, la plupart du temps, ce terme est incompris et surtout mal employé. Ainsi, l’utilisation de ce dernier renvoi à l’idée générale selon laquelle la majorité des agressions sexuelles sont commises par des personnes inconnues des victimes et qui recherchent et choisissent celles-ci de façon aléatoire. Ceci se trouve donc à être un M Y T H E . Dans les faits, une très faible proportion des agresseurs sexuels sont inconnus de leurs victimes, ce qui vient contredire l’utilisation du terme de « prédateur sexuel ».
À ce point, il est important de faire la distinction entre agresseur, prédateur et délinquant sexuel, étant donné que ces termes sont souvent mal compris et mal utilisés dans la société. Ainsi, démystifier ces trois termes va contribuer à une meilleure compréhension du phénomène de la délinquance sexuelle.
Premièrement, le terme d’agresseur sexuel englobe toute personne qui commet une agression sexuelle sur un mineur ou sur un adulte. Ainsi, cela peut inclure tout comportement de nature sexuelle.
Deuxièmement, une fois que l’individu a été reconnu coupable d’avoir commis une infraction criminelle de nature sexuelle selon le Code Criminel Canadien, on parle alors de délinquant sexuel. Ce terme s’emploie uniquement lorsque la personne a été officiellement reconnue coupable par un Tribunal.
Troisièmement, le terme de prédateur sexuel est souvent utilisé afin de parler d’un individu qui a commis plusieurs agressions de nature sexuelle et qui poursuit ses victimes, étant toujours à l’affut de cibles potentielles. Ce type de comportement est observé chez une minorité des acteurs de crimes sexuels. Les experts dans le domaine des agressions sexuelles emploient souvent le concept de comportements de prédation chez les agresseurs sexuels en série afin d’expliquer leurs méthodes de repérage de victime potentielle ainsi que les techniques d’attaques utilisées.
Par la suite, un nouveau terme devient de plus en plus populaire dans le domaine de la délinquance sexuelle : la cyberprédation. Ce terme englobe toutes les personnes qui, à travers un moyen de communication en ligne, vont communiquer avec des personnes mineures afin de commettre une infraction sexuelle. Dans ce cas, on peut penser au leurre d’enfant. Ce type d’acte sexuel est en augmentation dans la société et présente de plus en plus de cas à travers le monde. En effet, ce type de crime est souvent privilégié par les acteurs de crimes sexuels en raison de la possibilité d’anonymat présent derrière un pseudonyme, un faux compte, de fausses images et même un faux emplacement.
Nous avons vu plus haut que le terme de prédateur sexuel englobe tous les délinquants sexuels qui choisissent leur victime de manière aléatoire et qui ont commis beaucoup d’actes de nature sexuelle. De ce fait, ce type d’auteur de crimes sexuels représente la minorité en ce qui concerne ce type de délits. Il est important de savoir que la majorité des agressions sexuelles, surtout envers les mineurs, sont presque toujours commises par des personnes connues de la victime ou de la famille. Cela peut inclure les membres de la famille, les proches, les entraîneurs, les gardiens, etc.
Ainsi, dans environ 97% des cas d’agression sexuelle rapportés par les services de protection de la jeunesse en 2008 en ce qui concerne les mineurs, l’agresseur était bel et bien connu par la victime. Dans près de 33% de ces cas, l’agresseur était une figure parentale et dans 32% des cas un membre de la fratrie. D’un autre côté, seulement 12% des infractions sexuelles envers les mineurs qui ont été enregistrées par la police en 2012 au Canada ont été commises par un étranger.
De plus, revenons sur l’idée selon laquelle les délinquants sexuels sont mentalement perturbés ou souffrent d’un trouble de santé mentale. Il est important de comprendre ici que les individus qui ont commis un délit de nature sexuelle sont souvent plus susceptibles de présenter des difficultés personnelles et relationnelles, incluant aussi les problèmes de santé mentale (dépression, trouble de personnalité, psychose, etc.). Par contre, la majorité de ces auteurs de délits sexuels sont des individus qui fonctionnent normalement dans la société et ne présente pas de trouble de santé mentale.
Pour terminer, il semble intéressant d’aborder la question de la réhabilitation et de la réinsertion sociale des auteurs d’agressions sexuelles. Il demeure toutefois difficile d’établir des taux de récidive en ce qui concerne les agresseurs sexuels, notamment dû au fait que la plupart des infractions ne sont pas déclarées aux services de police. Par contre, plusieurs études sont arrivées à la conclusion que moins du quart des délinquants sexuels ont récidivé après une période de suivi de 15 ans. En effet, le fait de suivre des traitements destinés à ce type de délinquant va contribuer à réduire considérablement le risque de récidive et améliorer leur chance de réhabilitation et de réinsertion dans la société.
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Bibliographie
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Vérifications et corrections réalisées par Molly
« Les personnes qui commettent des agressions sexuelles envers des enfants sont des pédophiles. »
Dans la société, il existe une tendance erronée d’utiliser le terme « pédophile » afin de catégoriser tous les auteurs d’agressions sexuelles commises sur un mineur. Dans les faits, le diagnostic de pédophilie est rencontré dans une minorité des cas d’agression sexuelle envers un mineur. En ce sens, c’est UN MYTHE d’affirmer que tous les auteurs de crimes sexuels envers les enfants de moins de 18 ans sont automatiquement des pédophiles.
Premièrement, il est important de comprendre les définitions suivantes, soit le terme d’agresseur sexuel d’enfants et celui de pédophilie. Tout d’abord, lorsqu’on parle d’agresseur sexuel d’enfant, on fait référence à toute personne qui commet un crime sexuel sur un enfant de moins de 18 ans. D’un autre côté, la pédophilie englobe les personnes qui ont reçu un diagnostic provenant d’un professionnel en ce qui concerne cette problématique. Ce diagnostic peut être posé seulement à des individus de 16 ans et plus ayant une attirance sexuelle envers des enfants prépubères (habituellement âgés de moins de 13 ans) et se pliant à un ensemble de critères énumérés et expliqués dans le DSM-V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux). Ainsi, un agresseur sexuel d’enfants peut présenter ou non ces critères diagnostiques reliés à la pédophilie.
Une fois que ces termes ont été démystifiés, il est important de savoir que seulement une minorité des agresseurs sexuels d’enfants présente un diagnostic de pédophilie. De plus, ce type d’agresseurs représente un groupe hétérogène de personnes. En ce sens, il importe de savoir que les individus commentant des crimes sexuels envers les enfants peuvent être soit des hommes ou des femmes, avoir une orientation sexuelle hétérosexuelle, homosexuelle ou encore bisexuelle, être en couple ou être célibataire et finalement, provenir de différents groupes ethniques et avoir des statuts socio-économiques variés. Ainsi, il s'avère incorrect d’utiliser le terme « pédophile » dans le cas où un diagnostic provenant d’un professionnel n’a pas été posé.
Pour continuer, il est important de se familiariser un peu avec le terme « pédophile » afin d’en faire un usage adéquat. Ce terme englobe toute attirance sexuelle pour les enfants impubères; il ne faut donc pas confondre ce terme avec l’héphébophilie (ou encore l’hébéphilie), qui englobe l’attirance sexuelle pour les adolescents. Certains pédophiles peuvent donc être hébéphiles, mais le contraire n’est pas aussi vrai. En d'autres mots, certains pédophiles sont exclusifs, c’est-à-dire qu’ils sont attirés uniquement par des enfants. D’autres seront préférentiels, c’est-à-dire qu’ils sont attirés surtout par des enfants et finalement, on retrouve des pédophiles non préférentiels qui eux, sont attirés surtout par des adultes ou des adolescents, mais parfois aussi par des enfants. De surcroît, il est souvent omis que le terme pédophilie, dans la majorité des cas, est aussi associé à une attirance affective et non seulement sexuelle. De ce fait, il existe aussi des pédophiles amoureux qui eux, aiment les enfants, mais décident de ne pas passer à l’acte pour autant. Pour certains, vivre avec des caractéristiques reliées à la pédophilie est un élément perturbateur et une importante source de stress, de culpabilité et de honte, tandis que pour d’autres, ces attirances font partie de leur personnalité et ils vivent en harmonie avec celles-ci.
Il semble primordial de bien comprendre que ce ne sont pas tous les pédophiles qui passeront un jour ou l’autre à l’acte. On retrouve les pédophiles abstinents qui ne passeront jamais à l’acte et ne commettront aucun délit sexuel envers un enfant, contrairement aux pédophiles actifs, qui eux sont prêts à passer à l’acte et sont activement à la recherche d’une opportunité ou d’une occasion.
Par la suite, certaines recherches font ressortir un point très intéressant: les agresseurs sexuels manifestant l'ensemble des critères diagnostics de la pédophilie sont plus enclins d’avoir commis des crimes sexuels sur de jeunes victimes, de sexe masculin, à l’extérieur de la famille et d’avoir fait davantage de victimes que les agresseurs sexuels d’enfants qui ne présentent pas de diagnostic de pédophilie.
De plus, plusieurs études ont permis d'identifier des éléments associés au passage à l’acte des agresseurs sexuels d’enfants. En ce sens, entre 70% et 80% des délits sexuels envers des mineurs se trouvent à être prémédités, ce qui va à l’encontre de la thèse des pulsions et du manque de contrôle concernant les agresseurs sexuels d’enfants. De plus, plusieurs auteurs de crimes sexuels seraient plus à l’aise dans une relation avec un enfant passif, dépendant psychologiquement et ainsi, facile à manipuler, et ce, en raison de leurs faibles habiletés sociales. Ces caractéristiques propres à l’enfant vont alors être recherchées par ces auteurs afin d’augmenter la vulnérabilité par rapport à l’agression sexuelle. Ainsi, ils vont être en mesure d’abaisser les résistances d’un jeune pour ensuite le manipuler avec des moyens qui sont, la plupart du temps, non coercitifs, donc non violents.
Finalement, à la suite de la lecture du présent article qui permet de démystifier une préconception très présente dans le discours populaire, il est important de s’informer et de comprendre les particularités des termes reliés à la délinquance sexuelle, et ce, afin d'éviter de véhiculer de la fausse information autour de nous. D'ailleurs, les termes utilisés et les idées véhiculées peuvent avoir un impact énorme sur les individus concernés qui se retrouvent parfois condamnés à tort et ensuite stigmatisés par des propos désinformés de la population. Il est donc primordial de faire attention aux termes utilisés et de prendre le temps de bien comprendre tous les critères et les caractéristiques des termes employés.
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Vérifications et corrections réalisées par Audrey-Maude et Audrey
La libération conditionnelle constitue une forme de mise en liberté sous conditions pour les individus purgeant une peine d’incarcération. En général, une personne détenue est admissible à la libération conditionnelle au tiers de sa peine (il existe plusieurs exceptions, voir la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition). La Commission québécoise des libérations conditionnelles prendra les décisions de remise en liberté pour les individus étant incarcérés dans un établissement de détention provincial (peine de 2 ans moins 1 jour) alors que la Commission des libérations conditionnelles du Canada prendra les décisions de remise en liberté pour ceux qui sont incarcérés dans un établissement de détention fédéral (peine de 2 ans et plus). Au tiers de sa peine, la personne contrevenante sera convoquée à une audience de libération conditionnelle pendant laquelle les membres de la commission pourront décider s’ils octroient ou non la libération. Dans le cas d’un octroi, les membres de la commission décideront également des conditions de remise en liberté qui seront imposées. La personne contrevenante peut renoncer à sa libération conditionnelle. Il peut toutefois refaire une demande plus tard. Pour prendre une décision, les membres évalueront chaque cas individuellement en considérant les risques potentiels que la personne peut représenter pour la société. Les décisions de remise en liberté sont fondées sur plusieurs facteurs. Le facteur le plus important est celui de la protection du public. Ensuite, les principaux éléments qui sont pris en considération sont :
A) Les antécédents criminels
B) Le comportement en établissement de détention et les progrès effectués lors des programmes
C) Le plan de libération
Les conditions de remises en liberté
Tel que mentionné précédemment, les individus qui se voient octroyer une libération conditionnelle sont soumis à des conditions strictes. Les conditions générales de libération sont communes à chaque libéré sous conditions (il existe des différences entre les conditions générales au provincial et au fédéral). Des exemples de conditions générales sont : l’obligation de rester au Canada, ne pas troubler l’ordre public, respecter les lois en vigueur, etc. Il existe également des conditions spéciales. Ces conditions sont adaptées à la situation et aux facteurs de risque de l’individu remis en liberté. Les membres de la commission se doivent de justifier l’imposition des conditions spéciales. Plus précisément, ils doivent démontrer que la condition est nécessaire à la réduction du risque que représente la personne contrevenante. Des exemples de conditions spéciales sont : l’interdiction de consommer de l’alcool, l’obligation de résider en maison de transition, l’interdiction de fréquenter des bars, l’interdiction de communiquer avec la victime, l’interdiction d’utiliser tout appareil électronique, etc.
Les mythes
Il existe plusieurs croyances erronées en lien avec la libération conditionnelle au sein de la société. Ces croyances peuvent d’ailleurs être influencées par l’information présentée dans les médias de masse. En effet, les nouvelles présentées dans les médias sont souvent peu détaillées et peu nuancées. On choisit souvent de présenter des informations sensationnalistes afin d’attirer l’attention du public. Donc, la plupart du temps, on aborde la libération conditionnelle lors d’évènements ou de circonstances malheureuses, ce qui contribue à dresser un portait négatif de cette pratique. La présente section du texte vise donc à défaire certains mythes concernant la libération conditionnelle.
Mythe 1 : La libération conditionnelle est octroyée automatiquement à la personne contrevenante lorsqu’elle y devient admissible.
Réalité. En fait, la libération conditionnelle est méritoire. La personne contrevenante doit passer en audience devant la Commission des libérations conditionnelles du Canada (CLCC). La CLCC a le pouvoir de refuser ou d’octroyer la libération conditionnelle. La protection de la société est un élément primordial pour les membres de la CLCC, leur décision est donc fondée sur le risque que la personne contrevenante pourrait représenter. La libération conditionnelle est refusée à environ 7 contrevenants sur 10 lors d’un premier examen du dossier.
Mythe 2 : La libération conditionnelle fait en sorte que la personne contrevenante purge une peine plus courte.
Réalité. En fait, la libération conditionnelle permet au contrevenant de purger une partie de sa peine en collectivité. Toutefois, l’individu demeure soumis à des conditions strictes et doit rencontrer son agent de libération conditionnelle (au fédéral) ou son agent de probation (au provincial) fréquemment. La fréquence de contact est déterminée selon plusieurs facteurs et peut être modifiée par l’agent en tout temps. La personne se voyant octroyer une libération conditionnelle devra donc respecter les conditions imposées jusqu’à la fin de sa peine. Dans le cas d’une peine à perpétuité, l’individu devra respecter les conditions jusqu’à la fin de sa vie. Bien sûr, si les conditions ne sont pas respectées, l’individu pourra perdre son privilège de libération conditionnelle et devra retourner dans un établissement de détention.
Mythe 3 : Les personnes libérées sous conditions sont libres de faire ce qu’elles veulent.
Réalité. En fait, la personne qui bénéficie d’une libération conditionnelle doit respecter les lois, avoir une bonne conduite et ne doit pas troubler l’ordre public en plus de respecter les autres conditions qui lui ont été imposées. Des limites géographiques sont également imposées. En effet, ils ne doivent pas quitter le Canada et doivent généralement rester dans leur région. Pour déroger des limites établies, la personne contrevenante doit absolument obtenir une autorisation de son agent de libération conditionnelle (au fédéral). La libération peut être révoquée à tout moment si l’individu ne respecte pas les conditions de sa libération.
Mythe 4 : La majorité des personnes contrevenantes remises en liberté commettent d’autres crimes.
Réalité. En 2013-2014, 97% des périodes de libertés sous conditions accordées ont été terminés sans récidive (au fédéral). En 2017-2018, 98,3% des individus libérés sous conditions n’ont pas récidivé (au provincial).
Mythe 5 : Garder les contrevenants incarcérés jusqu’à la fin de leur peine permettrait davantage de protéger le public.
Réalité. En fait, la remise en liberté graduelle et encadrée permet davantage à la personne contrevenante de se réinsérer socialement que la libération à la fin du mandat. Cela permet à l’individu libéré sous conditions d’être soutenu dans son processus de réhabilitation, ce qui augmente ces chances de vivre en conformité avec les normes et les valeurs sociales.
Mythe 6 : Un individu ayant reçu une peine d’incarcération à perpétuité ne purgera que 25 ans de sa peine avant d’être libéré.
Réalité. Une personne purgeant une peine pour meurtre au premier degré devra purger 25 ans de détention avant d’être admissible à une libération conditionnelle. Une personne contrevenante ayant été condamnée pour meurtre au deuxième degré purgera entre 10 et 25 ans de détention avant d’être admissible à la libération conditionnelle. Rappelons que l’admissibilité à la libération conditionnelle ne signifie pas l’obtention automatique de ce privilège. La libération conditionnelle est méritoire. Il est également important de mentionner que, même dans le cas où une libération conditionnelle est octroyée, la personne contrevenante restera sous la responsabilité du service correctionnel jusqu’à la fin de sa vie.
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Références
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Vérifications et corrections réalisées par Molly.
En ce qui a trait au domaine de la confession, il existe une croyance populaire très présente au sein de la population générale. En effet, il est d’usage courant de croire que le plaidoyer de culpabilité provenant d’un suspect est associé à une culpabilité hors de tout doute raisonnable. Par contre, il existe plusieurs motifs qui peuvent pousser des personnes innocentes à plaider coupable lors de procédures judiciaires. Ainsi, mettre de l’avant le fait que les personnes réellement innocentes ne plaident jamais coupables est un M Y T H E .
Un plaidoyer de culpabilité consiste à se présenter devant un tribunal et à admettre quelque chose, souvent dans les moindres détails. Par le fait même, les personnes innocentes qui se disent « coupables » vont admettre un ou des événements qui ne se sont pas produits et elles le font parfois dans les moindres détails (Turvey et Cooley, 2014).
Les raisons derrière la décision des personnes innocentes à plaider coupable sont nombreuses. La plupart du temps, ces individus vont avoir des motivations monétaires : le coût d’un procès en vue d’obtenir un acquittement serait trop élevé et ils ne seraient donc pas en mesure de suivre ce chemin (Turvey et Cooley, 2014). Par ailleurs, comme les experts le soulignent, un accusé est parfois libéré plus tôt s’il inscrit un plaidoyer de culpabilité au lieu de subir un procès (Service des poursuites pénales du Canada, 2019), cela constitue donc une autre motivation. De plus, en plaidant coupable, certaines charges peuvent être modifiées, voire abandonnées ce qui motive la personne à choisir cette solution (Huff et Killias, 2013). Dans le même ordre d’idée, dans une récente recherche, une professeure en criminologie à l’Université de Montréal, Chloé Leclerc en collaboration avec Elsa Euvrard, en sont arrivées à la conclusion que certains contrevenants ont déjà plaidé coupables à une accusation pour laquelle ils se trouvent à être innocents et cela, en raison de pressions provenant de leur propre avocat. Selon ces chercheurs, il est important que le plaidoyer de culpabilité soit exempt de pression et fait de manière libre et volontaire (Leclerc et Euvrard, 2019).
Par contre, la raison principale derrière les plaidoyers de culpabilité se situe au niveau de l’obtention d’une peine plus clémente. En bref, un plaidoyer de culpabilité peut aussi être l’aboutissement d’une négociation de plaidoyers (entre l’avocat de la défense et les procureurs), durant laquelle un suspect innocent plaide coupable dans le but d’obtenir une peine plus clémente, ne voyant aucune autre issue (Kassin et Wrightsnan, 1985). Un exemple très parlant se trouve au niveau du système de justice de nos voisins du sud, les États-Unis. En effet, un grand nombre de suspects choisiront de plaider coupables, même s’ils sont totalement innocents, par crainte d’obtenir une peine beaucoup plus sévère allant jusqu’à l’emprisonnement à vie ou même la peine de mort (Gross et coll., 2005).
Il est souvent indiqué dans les études que certaines sous-populations (jeunes, autochtones, personnes aux prises avec des troubles de santé mentale, personnes marginalisées) sont particulièrement plus à risque d’inscrire de faux plaidoyers de culpabilité, et ce, en raison de différents facteurs comme l’origine ethnique, la pauvreté ou certaines combinaisons de ces facteurs (Service des poursuites pénales du Canada, 2019).
En ce qui concerne cette problématique au Canada, aucune étude canadienne à ce jour n’a quantifié, par des recherches empiriques, l’ampleur du phénomène des accusés au pays qui choisissent de plaider coupables de crimes qu’ils n’ont pas commis. Par contre, il existe de bonnes raisons de croire qu’ils sont assez répandus et qu’il existe beaucoup plus de cas non documentés à ce sujet. Les experts canadiens ont tenté d’évaluer la généralisation des faux plaidoyers de culpabilité au Canada par rapport aux données connues, estimations qui découlent en partie de la logique et du bon sens. Selon certains universitaires canadiens, notre système de justice est aux prises avec plus de 450 000 accusés par année et la vaste majorité d’entre eux plaident coupables. Cela pourrait laisser entendre que des centaines, voire des milliers de personnes plaident chaque année coupable de crime qu’elles n’ont pas commis (Service des poursuites pénales du Canada, 2019).
Enfin, il est important d’informer la population au sujet des phénomènes associés à la confession ou encore, contribuant aux erreurs judiciaires, et ce, afin de démanteler les différents mythes présents au sein de la population générale.
Pour en savoir plus, consultez les articles ou les différents livres cités plus bas qui abordent le sujet des plaidoyers de culpabilité de manière plus détaillée.
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Références
Gross, S. R., Jacoby, K., Matheson, D. J., Montgomery, N. et Patil, S. (2005). Exonerations in the United States 1989 Through 2003. Journal of Criminal Law & Criminology, 95(28), 523-536.
Huff, C. R. et Killias, M. (2013). Wrongful Convictions and Miscarriages of Justice: Causes and Remedies in North American and European Criminal Justice Systems (1ère éd.). Routledge.
Kassin, S. M. et Wrightsman, L. S. (1985). The Psychology of Evidence and Trial Procedure. Sage Publications.
Leclerc, C., et Euvrard, e. (2019). Pleading Guilty : A Voluntary or Coerced Decision? Canadian Journal of Law and Society / Revue Canadienne Droit Et Société, 34(3), 457-478. Doi :10.1017/cls.2019.33
Service des poursuites pénales du Canada. 2019. Chapitre 8 : Faux plaidoyers de culpabilité. https://www.ppsc-sppc.gc.ca/fra/pub/ip-is/ch8.html#fnb292
Sherrin, Guilty Pleas, Windsor Review of Legal and Social Issues, 1 à 4.
Touzin, C. Un accusé sur dix a déjà plaidé coupable à la suite de pression de son avocat. https://plus.lapresse.ca/screens/5400caaa-353c-4931-ab5a-fe24fd2b1c89__7C___0.html
Turvey, B. E. et Cooley, C. M. (2014). Miscarriages of Justice: Actual Innocence, Forensic Evidence, and the Law. Academic Press.
Vérifications et corrections réalisées par Molly.
« Le durcissement des peines entraine une diminution de la criminalité » : est-ce un mythe ou une réalité ?
Lorsqu’un crime est grandement médiatisé, il n’est pas rare d’entendre le public réclamer des peines beaucoup plus sévères, plusieurs étant outrés par le « laxisme » de la sentence imposée à l’accusé. Pourtant, en se penchant sur la littérature scientifique, il est possible de noter que le durcissement des peines n’entraine pas l’effet escompté. En effet, les peines plus sévères ne préviennent pas la criminalité [1]. Si l’on se fiait simplement aux croyances populaires, il serait pourtant facile d’affirmer le contraire. Cette publication vise donc à démystifier ce mythe, d’abord en expliquant en quoi consiste le durcissement des peines, pour ensuite aborder l’opinion publique, et finalement, ce que constatent les recherches scientifiques sur le sujet.
Tout d’abord, pour distinguer ce qui est considéré comme étant une peine sévère, il faut savoir identifier différents types de peine. Il y aurait quatre grands types d'ordonnances : les sanctions financières, les peines d’emprisonnement, les mesures en milieu ouvert et les mesures d’éducation, d’interdiction ou de confiscation [2]. À partir de cela, il est possible de déterminer la sévérité d’une peine en fonction de sa nature, soit le type de peine, et par sa durée. Par exemple, une peine d’emprisonnement sera considérée comme étant plus sévère qu'une ordonnance de probation, avec ou sans surveillance [3]. Le terme durcissement des peines fait référence, à titre d’exemple, à la mise en place de peines minimales obligatoires, à rendre moins disponible le recours aux peines alternatives dans le cas de certains crimes [4], ou encore, à utiliser ces peines dites alternatives comme un élargissement du filet pénal [2]. Cet élargissement du filet pénal est un terme utilisé pour exprimer l’apparition de nouvelles mesures appliquées comme sanction à des délinquants qui n’auraient auparavant pas été sanctionnés, ou encore, pour faire référence à une sévérité accrue des peines prononcées à leur égard [2]. En d'autres mots, le durcissement des peines peut se définir par une augmentation du degré de sévérité des peines, et ce, de diverses façons.
Avec le durcissement des peines, ces dernières semblent avoir pris un tournant de façon à ne plus être une façon de protéger le public (p. ex., en se basant sur des données probantes montrant que l’emprisonnement est efficace), mais plutôt une façon de conserver la confiance du public envers l’administration de la justice [3]. Ainsi, il semble que le durcissement des peines soit devenu une stratégie pour obtenir l’approbation du public, soit en imposant des peines de durée et de nature substantiellement élevées, de façon à anticiper le degré de satisfaction qu’elle suscitera chez le public [3]. C’est une façon de faire qui a pu être observée autant aux États-Unis qu’au Canada, et ce, notamment par le gouvernement conservateur de Harper qui comptait beaucoup sur ses politiques de répression de la criminalité pour obtenir l’appui de son électorat [5]. Bien que l’opinion publique se montre sévère sur les peines, il est possible d’observer un certain consensus dans la communauté scientifique par rapport au fait que les peines plus sévères ne sont pas efficaces dans une « lutte au crime ».
Plusieurs facteurs ont un impact sur la récidive, dont les variables individuelles propres à l’individu (p. ex., niveau de risque, volonté de la personne, etc.). Toutefois, le type de sentence aurait également un impact sur ce risque de récidive [6]. Diverses études convergent vers le même constat : en ce qui concerne les peines plus courtes, par exemple dans le cas de trafic de drogues, l’emprisonnement n’aurait pas plus d'effets dissuasifs que l'ordonnance de probation. En effet, sur une période de quatre ans de suivi, les personnes ayant eu une peine de prison et ceux n’en ayant pas eu avaient des taux de réarrestations similaires [6]. Une méta-analyse, rassemblant 27 études sélectionnées, est allée encore plus loin et a démontré que les peines d’emprisonnement plus longues avaient des impacts négatifs sur la récidive. Bien que le durcissement des peines puisse prétendre diminuer le risque de récidive à la suite d'une peine sévère, les études démontrent plutôt l'inverse: plus la peine est longue, plus la récidive est probable [7]. Cette constatation peut notamment s'expliquer par le fait que les peines d’incarcération ont des impacts significatifs sur les chances de réinsertion sociale [1]. En effet, l’incarcération peut avoir comme conséquences « la perte d’emploi, la pauvreté, l’isolement, l’aggravation des problèmes sociaux » pouvant « entraîner le délinquant et sa famille vers un statut encore plus précaire » et donc « accroître les chances de récidive ou l’enracinement dans un mode de vie délinquant. » [1] Ainsi, avec de longues peines d’emprisonnement, telles qu'exigées par le public, ou encore avec le recours à l’emprisonnement pour de courtes peines plutôt que des sanctions en milieu ouvert, la société ne s’en verrait pas nécessairement protégée. Bien que l’emprisonnement permette la neutralisation de l’individu pour un certain temps, il n’en reste pas moins qu’à sa sortie, sa réinsertion sociale s’en retrouve affectée négativement.
À la lumière de ce qui précède, il semble nécessaire d'aborder les façons de faire qui fonctionnent et qui ont déjà fait leurs preuves dans la prévention de la récidive ou de la criminalité en générale. Il s’agirait plutôt des programmes de réadaptation et les attentes comportementales claires qui permettraient aux individus de changer, de se réformer, ainsi que de se défaire de l’envie de commettre des crimes [1]. De plus, lors du dépôt du projet de loi C-10, divers groupes se sont positionnés face à ce projet, dont l’Association du Jeune Barreau de Montréal qui s’est montré critique à l'égard de ce durcissement pénal : « [s]i le gouvernement veut réduire la criminalité, il se doit d’agir en amont et non en aval du crime et de travailler à la réduction des facteurs criminogènes et à la réhabilitation des détenus afin de réduire la récidive. » [1]
Il y a donc à se questionner sur les demandes que fait le public par rapport à des peines plus sévères et sur les réels impacts que celles-ci auraient sur la récidive, et donc conséquemment, sur la protection de la communauté. Force est donc de constater que les peines sévères ne mènent pas à la dissuasion, un objectif que plusieurs lui attribuent à tort.
R é f é r e n c e s
[1] Ferron-Ouellet, Sandrine. 2018. La diversité des opinions publiques sur le durcissement des peines en droit criminel. Mémoire de maitrise. Université d’Ottawa. https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/37568/1/Ferron-Ouellet_Sandrine_2018_th%C3%A8se.pdf
[2] De Larminat, X. (2017). Prison et « peines alternatives » : du clivage politique au mirage empirique. Regards croisés sur l'économie, 20, 149-158. https://doi.org/10.3917/rce.020.0149
[3] Dubé, R. & Garcia, M. (2018). L’opinion publique au fondement du droit de punir : fragments d’une nouvelle théorie de la peine ? Déviance et Société, 42, 243-275.
https://doi.org/10.3917/ds.422.0243
[4] Kaminski, D., Snacken, S. & van de Kerchove, M. (2007). Mutations dans le champ des peines et de leur exécution. Déviance et Société, 31, 487-504.
https://doi.org/10.3917/ds.314.0487
[5] Buzzetti, Hélène. Lutte contre le crime - Les lois de Harper sont inconstitutionnelles. Le Devoir. 26 mars 2011. https://www.ledevoir.com/politique/canada/319715/lutte-contre-le-crime-les-lois-de-harper-sont-inconstitutionnelles
[6] Lalande, P. (2019). Revue de littérature sur la prévention de la récidive ou des meilleurs moyens pour en diminuer les risques. Québec : Direction des programmes. Direction générale des services correctionnels. Ministère de la Sécurité publique du Québec. https://www.securitepublique.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/services_correctionnels/publications/recidive/revue_litterature_prevention_recidive.pdf
[7] Gendreau, P. Goggin, C., et Cullen, F. T. (1999). L'incidence de l'emprisonnement sur la récidive. Ottawa : Solliciteur général Canada. https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/ffcts-prsn-sntncs-rcdvsm/ffcts-prsn-sntncs-rcdvsm-fra.pdf
[8] Association des services de réhabilitation sociale du Québec, Projet de loi C-9, 26 septembre 2006. https://asrsq.ca/assets/files/recherches-et-memoires/rec_mem_lc9_fr.pdf dans https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/37568/1/Ferron-Ouellet_Sandrine_2018_th%C3%A8se.pdf
Corrections et vérifications réalisées par Audrey-Maude
Mythe ou réalité? Un registre national des délinquants sexuels public aurait comme impact de réduire la récidive des personnes reconnues coupables d’infraction sexuelle et ainsi protéger la société.
Le Registre national des délinquants sexuels (RNDS) est « un répertoire national des délinquants reconnus coupables d'une infraction sexuelle désignée et qu'une ordonnance de tribunal oblige à se présenter chaque année aux autorités policières. » [1] Les délinquants sexuels inscrits au registre doivent remplir diverses obligations, comme devoir se présenter au bureau d’inscription avant de quitter le Canada par exemple. Ce registre n’est pas public, mais il s’agit d’une base de données accessible aux policiers à des fins d’enquête. Ainsi, seuls les services policiers ont accès à ces données. Des organisations policières étrangères peuvent aussi avoir accès à ces renseignements, dans le cas où la communication de ceux-ci respecte les critères de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (LERDS) [1].
Que contient le registre? Les informations contenues dans le registre réfèrent au crime commis, ainsi que les informations personnelles relatives au délinquant, qui doivent être mises à jour chaque année où le contrevenant doit se présenter au bureau d’inscription. Par exemple, le RNDS contient le nom officiel de la personne, son genre, sa date de naissance, son adresse de résidence principale et secondaire, la description des infractions commises, une photographie récente, les renseignements sur le véhicule, les renseignements sur le passeport, etc [1].
Sachant maintenant à quoi fait référence le RNDS, si celui-ci est rendu public, c’est-à-dire que la population générale pourrait consulter ces informations, est-ce que cela aura l’impact désiré sur le risque de récidive et la protection de la société? Dans la population générale, diverses demandes quant à un registre rendu public ont pu se faire entendre au fil des ans, particulièrement à la suite de la médiatisation importante des cas venant grandement ébranler les valeurs de la population. Diverses raisons en ressortent : permettre à la population de mieux contrer les récidives, permettre à la population de prendre ses propres moyens pour lutter contre la délinquance sexuelle, savoir si une personne reconnue coupable d’un crime sexuel vit dans notre quartier et plus encore.
Modèle américain
Dans un souci de décortiquer tous ces arguments, il est nécessaire de s’intéresser aux modèles semblables déjà implantés et d’en constater les effets. En se fiant à l’exemple américain, les citoyens, même s’ils ont une opinion favorable au registre, l’utilisent que très peu ou pas du tout [2]. En effet, dans l’élan de justice populaire à la suite de la forte médiatisation de cas atypiques, il y a un désir de la population de se protéger et d’augmenter leur sentiment de sécurité vis-à-vis ces crimes. Pourtant, ces registres ne sont que très peu utilisés, ce qui montre leur valeur symbolique plutôt qu’efficace. Le registre public fut mis en place pour que la population se sente en sécurité et qu’elle prenne les mesures nécessaires pour se sentir ainsi. Il est ainsi possible d’affirmer que ceux-ci n’ont pas l’effet escompté, compte tenu du fait que la plupart de la population ne consultera pas ces registres et qu’elle n’adoptera pas de nouveaux comportements en fonction des informations contenues. Il y aurait plutôt un effet négatif sur la majorité de la population, augmentant la crainte et l’anxiété plutôt que d’accroitre le sentiment de sécurité [3]. Pour nos voisins du sud, les registres publics offrent plutôt un faux sentiment de sécurité au sein de la population.
Conséquences sur la récidive
Il y a également de nombreuses conséquences négatives vécues par les personnes étant inscrites au registre. Diverses mesures sont mises en place pour la réinsertion sociale des délinquants sexuels lorsqu’ils sont libérés, dans un souci de réduire le risque de récidive en communauté. En effet, au fil des ans, les études ont montré que c’est d’abord par la réinsertion sociale des individus qu’il est possible de protéger la société contre les récidives. Cependant, les impacts des registres pour délinquants sexuels vont à l’envers de ce courant, puisqu’ils amènent les personnes ayant commis un délit à caractère sexuel à vivre des expériences de stigmatisation en lien avec leur délit. Par exemple, à la suite d’une étude menée par Lasher et McGrath en 2002, 44% des personnes à l’étude avaient été menacées par un voisin [4]. De plus, non seulement les conséquences sont présentes pour la personne inscrite dans le registre, mais il y a également des conséquences pour sa famille, comme les conjoint(e)s, les enfants ou les parents. Par exemple, selon une étude menée par Levenson et Tewksbury en 2009, 59% des enfants ayant un parent inscrit au registre des délinquants sexuels ont été victimes de ridiculisation et 22% ont été victimes d’agression physique [5]. Au niveau de la santé mentale, plusieurs, à la suite de cette intimidation, seront atteints de troubles dépressifs ou auront des idées suicidaires [5]. Comme quoi les registres ont des conséquences graves qui ne se limitent pas à la personne ayant commis le délit sexuel.
Pour plusieurs, la protection de la société passerait par un registre public. Cependant, lorsque l’on s’attarde aux études, il semble que le registre remplirait l’objectif contraire. Faire partie du registre, c’est porter cette étiquette à vie et être contraint à ce rôle de « délinquant sexuel ». Bien que ces personnes aient commis des crimes qui peuvent nous donner envie de leur faire porter cette étiquette, il reste que celle-ci les mèneront vers un isolement social important. Ainsi, il reste peu de possibilités pour cette personne de développer des comportements prosociaux, soit de se trouver un emploi et un logement adéquat par exemple, ce qui risque de la mener vers la récidive. Le registre pourrait donc inciter l’individu à ne pas se conformer et poursuivre leur trajectoire criminelle. Dans ces cas, le registre aurait plutôt un effet contraire à l’objectif, soit un effet criminogène.
Atteinte des objectifs
Alors que l’un des buts du registre était d’avoir un impact sur le sentiment de sécurité de la population, ainsi que d’éviter les récidives, les études empiriques ont plutôt montré que ceux-ci n’ont pas d’impact important sur la délinquance sexuelle [2]. Ces registres auraient plutôt un effet de marginalisation. Les personnes inscrites aux registres auraient un taux de récidive non sexuel plus important et seraient plus impliquées dans des crimes liés aux stupéfiants. De plus, il n’est toujours pas possible de conclure si les registres de délinquants sexuels ont un effet dissuasif important pour la population en général ou pour les personnes ayant déjà commis un délit sexuel. En effet, bien que certaines études avancent que les registres pourraient avoir un effet dissuasif général sur la population, il est impossible d’en venir à une telle conclusion, puisqu’il y a différents facteurs externes qui peuvent être pris en compte et expliquer cet effet.
Conclusion
Les crimes sexuels sont souvent ceux, avec l’homicide, qui heurtent les plus les valeurs collectives. Il est donc normal que dans ces situations, les émotions puissent prendre le dessus. De plus, dans un élan de supporter les victimes, plusieurs signifient que le fait de ne pas rendre ce registre public est une façon de supporter les délinquants sexuels. Comme il a été montré plus haut, une des façons les plus efficaces d’assurer la protection de la société est en réduisant la récidive par une réinsertion sociale réussie des contrevenants. Le cas échéant, rendre le registre public serait une façon de rendre la réinsertion une tâche quasi impossible pour les contrevenants et les services correctionnels. Cependant, cela peut amener des questionnements quant aux ressources en communauté et s’assurer que celles-ci soient efficientes et en quantité suffisante, considérant l’importance et la confiance mise en celles-ci.
Références
[1] https://www.rcmp-grc.gc.ca/fr/gestion-des-delinquants-sexuels
[2] Lussier, P. & Le Blanc, M. (2018). La délinquance sexuelle : au-delà des dérives idéologiques, populistes et cliniques. Presses de l'Université Laval.
[3] Levenson, J., & D'Amora, D. (2007). Social policies designed to prevent sexual violence. Criminal Justice Policy Review, 18(2), 168–199.
[4] Lasher, M., & McGrath, R. (2012). The impact of community notification on sex offender reintegration: a quantitative review of the research literature. International Journal of Offender Therapy and Comparative Criminology, 56(1), 6–28.
[5] Levenson, J., & Tewksbury, R. (2009). Collateral damage: family members of registered sex offenders. American Journal of Criminal Justice, 34(1-2), 54–68.
Corrections et vérifications réalisées par Audrey-Maude
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